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Voyage dans les mots
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18 janvier 2009

André Breton (Tu sauras plus tard...)

Henn_



Tu sauras plus tard, quand je ne vaudrai plus la pluie pour me pendre, quand le froid, appuyant ses mains sur les vitres, là où une étoile bleue n'a pas encore tenu son rôle, à la lisière d'un bois, viendra dire à toutes celles qui me resteront fidèles sans m'avoir connu : « C'était un beau capitaine, galons d'herbes et manchettes noires, un mécanicien peut- être qui rendait la vie pour la vie. Il n'avait pas d'ordres à faire exécuter pour cela, c'eût été trop doux mais la fin de ses rêves était la signification à donner aux mouvements de la Balance céleste qui le faisait puissant avec la nuit, misérable avec le jour. Il était loin de partager vos joies et vos peines ; il ne coupait pas la poire en quatre. C'était un beau capi­taine. Dans ses rayons de soleil il entrait plus d'ombre que dans l'ombre mais il ne brunit vraiment qu'au soleil de minuit. Les cerfs l'étourdissaient dans les clairières, surtout les cerfs blancs dont les cors sont d'étranges instruments de musique. Il dansait alors, il veillait à la libre croissance des fougères dont les crosses blondes se détendent depuis dans vos che­veux. Peignez pour lui vos cheveux, peignez-les sans cesse, il ne demande pas autre chose. Il n'est plus là mais il va revenir, il est peut-être déjà revenu, ne laissez pas une autre puiser à la fontaine : s'il reve­nait, ce serait sans doute par là. Peignez vos cheveux à la fontaine et qu'ils inondent avec elle la plaine. »

Et tu verras dans les entrailles de la terre, tu me ver­ras plus vivant que je ne suis à cette heure où le sabre d'abordage du ciel me menace. Tu m'entraîneras plus loin qu'où je n'ai pu aller, et tes bras seront des grottes hurlantes de jolies bêtes et d'hermines. Tu ne feras de moi qu'un soupir, qui se poursuivra à travers tous les Robinsons de la terre. Je ne suis pas perdu pour toi : je suis seulement à l'écart de ce qui te res­semble, dans les hautes mers, là où l'oiseau nommé Crève-Coeur pousse son cri qui élève les pommeaux de glace dont les astres du jour sont la garde brisée.

 

In « Poisson soluble »

Photo Océania

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Commentaires
D
J'étais là, au début,<br /> mais c'était avant,<br /> avant les mots,<br /> et toujours maintenant,<br /> le je, part en voyage.<br /> Serein, lointain,<br /> valise confettis et<br /> femmes sur le quai<br /> funambule des marées<br /> et des mots qui voyagent.<br /> <br /> Merci Océania
J
La femme, dans sa parure, sous ses divers attraits<br /> a inspiré, et inspirera d'autres coeurs ouverts à l'aperception, la sensibilté, la bienveillance.<br /> Ces fils de soie, disais-je, filent dans un rouet<br /> une trame où s'infiltre un rai de lumière, et se laisseront manipuler, pourvu que le soin constant à leur prodiguer, demeure au fil du temps qui passe...Jackie
C
" Et tu verras dans les entrailles de la terre, tu me ver­ras plus vivant que je ne suis à cette heure où le sabre d'abordage du ciel me menace. "<br /> <br /> Bien vu (et bien écrit). Encore un propos de Breton qui n'a rien de surréaliste.
D
Il y a une place et une fontaine, dans ces cheveux, pour la pluie bienfaisante de l'imagination...
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