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Voyage dans les mots
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16 janvier 2009

Patrick Drevet (Sorti de la lecture...)

Lire___Philippe_Buschinger



Sorti de la lecture d'un livre dont les phrases, peu à peu, ont vaincu ma résistance et m'ont entraîné à la suite d'un ou de plusieurs person­nages auxquels, par je ne sais quel sortilège, je me suis intéressé comme à des êtres vivants, c'est toujours avec stupéfaction que je retrouve le réel. La comparaison est peut-être trop forte, mais il y a dans mon impression le vertige du voyageur qui descend de train et qui, ses membres, sa tête soumis encore à la vitesse, se retrouve dans sa ville : non, rien n'a bougé, rien n'a changé durant son absence, et avant que, très vite, l'habitude ne l'aspire et ne l'entraîne à nouveau dans ses canaux, il connaît l'éton­nement du premier regard : il ne se rappelait pas les dimensions de sa ville, la couleur de son ciel, l'harmonie originale de ses maisons et de ses rues.

La lecture est un voyage ? Ma descente d'un roman, ou d'un autre ouvrage, ressemble fort à ma descente d'un train, et ce qui gagne en moi est non pas ce que j'ai quitté mais ce que je retrouve. Dès lors, ces personnages ou ces figures auxquels j'ai cru, quelle que fût leur grandeur ou leur beauté, m'apparaissent déri­soires. Je ne nie pas qu'ils ont parfois assez de force pour me hanter pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Je songe à eux, en effet, comme à des êtres que j'aurais rencontrés. Mais il se passe ceci : tant que je lis, je ne pense pas à eux, je suis eux; et quand je ne lis plus, si je songe à eux comme je songerais à des gens de ma connaissance, il me manque toujours d'avoir éprouvé ce qui constitue essentiellement l'ex­périence de la rencontre : ces personnages n'ont pas de corps. Au mieux, ce que je garde d'eux illumine, mais sans les y réduire, les êtres réels que je connais ou que je vais rencontrer, tout à l'heure, dehors.


In « Huit petites études sur le désir de voir »

Photo Philippe Buschinger

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Commentaires
D
Oui ce n'est pas pour fuir, c'est plutôt pour mieux revenir avec une sorte de "modification" comme dit plus haut. Parfois je sens tout de même une bulle différente quand je sors après une lecture. Je ne parle pas de personnages qui se matérialisent, mais plutôt d'un espace qui est là.<br /> Dans l'a coté du dehors, il est palpable, une énorme bulle de savon très solide et transparente qui tend à jouer avec la réalité, une superposition qui modifie l'épaisseur des choses.
L
J’aime la représentation mentale des personnages de mes lectures.<br /> Ce qui m’apporte parfois des déceptions lors de la projection d’un film adapté d’un roman.<br /> Lorsque cela « colle » et que le film me plaît, j’ai un double plaisir mais c’est rare.<br /> Bon dimanche.
A
la lecture comme enchantement du monde oui...<br /> pas pour fuir !
D
Une des meilleures descentes du train - celui de la lecture, comme décrit par Patrick Drevet - demeure "La Modification" de Michel Butor.<br /> <br /> Quant à lire étendu sur le bitume (mais avec des plaques chauffantes), attention à madame Christine Boutin, heureusement déchargée de ses fonction urbaines !
F
"Au mieux, ce que je garde d'eux illumine, mais sans les y réduire, les êtres réels que je connais ou que je vais rencontrer, tout à l'heure, dehors."<br /> <br /> Lire pour éclairer la vie? Oui!
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