Roger Caillois
Peintres et sculpteurs
puisent souvent dans la nature plus que la matière première et le modèle de
leurs oeuvres. Il leur arrive même d'annexer à celles-ci des éléments que la
nature leur propose ou de constituer, avec ou sans retouches, leur butin en ouvrages
originaux, qu'ils n'ont ensuite qu'à reconnaître au sens fort et juridique du
terme. Au hasard d'une promenade, ils ramassent épaves séduisantes et débris
inattendus. Il s'agit de trouvailles fortuites : d'aubaines. En revanche, il
ne paraît pas qu'ils entreprennent volontiers une prospection, sinon
méthodique, du moins dirigée, des grandes réussites de la nature. En outre, ils
recherchent la surprise plutôt que la beauté, l'informe ou le difforme plutôt
que la forme achevée, — qui demeurerait leur apport personnel, leur apanage.
J'imagine une quête
ambitieuse qui, loin de se contenter d'objets de rencontre, s'efforcerait de
réunir les plus remarquables manifestations des forces élémentaires, anonymes,
irresponsables qui, enchevêtrées, composent la nature. Selon que ces forces
sont d'usure ou de rupture, elles produisent des formes opposées, les unes
douces et élusives, les autres rudes et comme lacérées. Entre ces extrêmes, se
développe la géométrie des cristaux par où, jusque dans la matière inerte, se
révèle un ordre.
In « Pierres »
Robert Renard
« Elan »
sculpture en bronze d’après un bois sculpté