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Voyage dans les mots
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26 mars 2008

Philippe Delerm

bibliobus


Le bibliobus

C'est bien, le bibliobus. Il passe une fois par mois, et s'installe sur la Place de la Poste. On connaît toutes les dates de l'année à l'avance.
- Elles sont écrites sur une petite carte brune qu'on vous glisse dans un livre emprunté. Le 17 décembre, de 16 heures à 18 heures, on sait que le grand camion blanc balafré du sigle « Conseil général » sera fidèle au rendez-vous. C'est rassurant, cette mainmise sur le temps. Rien de mal ne peut vous arriver, puisque l'on sait déjà que dans un mois le salon de lecture ambulant reviendra mettre une petite tache de lumière sur la place. Oui, c'est encore mieux l'hiver, quand les rues du village sont désertes. Le seul centre d'animation devient alors le bibliobus. Oh ! il n'y a pas foule, ce n'est pas le marché. Mais quand même, des silhouettes familières convergent vers le petit escalier mal­commode qui permet d'accéder au camion.

On sait que dans six mois on rencontrera là Michèle et Jacques (« Alors, cette retraite, c'est pour quand? »), Armelle et Océane («  Elle porte bien son nom, ta fille, elle a des yeux d'un bleu ! »), d'autres qu'on connaît moins mais qu'on salue d'un sourire entendu : rien que ce rite à partager, c'est toute une complicité.

La porte du camion est étrange. Il faut se glisser entre deux parois transparentes de plas­tique rigide, qui prémunissent à l'intérieur des courants d'air. Ce sas entrouvert, traversé, on est tout de suite dans le moquetté, le silence douillet, la flânerie studieuse. La jeune fille et l'employé plus âgé à qui l'on rend les livres rapportés témoignent par leur salut qu'ils vous connaissent, mais leur amabilité ne va pas jusqu'à l'enjouement. Tout doit rester feutré. Même si certains jours l'exiguïté du lieu fait déployer des trésors d'ingéniosité déambula­toire pour ne pas déraper vers la promiscuité, chacun reste libre dans son silence, dans son choix.
Les rayons sont des plus variés. On a droit au total à douze emprunts, et c'est très bon de faire dans l'hétéroclite. Ce petit recueil de poèmes en prose de Jean-Michel Maul­poix, pourquoi pas? « Le jour tarde sous un entassement de feuilles et de fleurs de tilleul. » Cette phrase suffit à en donner l'envie.
L'énorme album de Christopher Finch L'aquarelle au XIXè siècle sera un peu lourd, mais il y a des beautés rousses préraphaélites, des aubes de Turner, et puis quel privilège de s'arroger ainsi en toute impunité ces trois kilos volumineux de luxe mat ! Un magazine de photos avec des enfants de Boubat, une cas­sette des cantates de Bach, un album sur le Tour de France : on peut glisser dans son panier toutes ces merveilles disparates; déjà comblé, se dire que l'on va en glaner encore tout autant, au hasard des étagères. Les enfants n'en finissent pas de s'accroupir devant les bandes dessinées, les romans illus­trés, de s'émerveiller parfois : « La dame a dit que je pouvais en prendre un de plus ! »

La soif étanchée, le choix s'alentit. Une odeur de laine tiède, de gabardine mouillée monte dans l'espace étroit. Mais c'est du sol surtout que monte une sensation particulière : une espèce de tangage infime, de roulis. On avait oublié l'équilibre des pneus, le fonde­ment mobile de ce temple familial. Ce mal de mer au chaud des livres, c'est la province en creux d'hiver. Prochain passage du bibliobus : jeudi 15 janvier, de 10 heures à 12 heures, Place de l'Église, de 16 heures à 18 heures, Place de la Poste.

In, « La première gorgée de bière »

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Commentaires
T
Mi itou, Delerme n'a jamais été ma tasse de thé, et son chanteur de fils qui ne chante pas mais qui parle en chantonnant. Son succès éditorial relève plus d'un coup marketing que d'un réel grand talent.
C
Souvenirs de jeune bibliothécaire qui choisit les livres à proposer dans le bibliobus en fonction de la tournée prévue et donc des lecteurs potentiels. Trajet en hauteur,autre vision de la route, stationnement, viendront-ils chosir des livres, courant d'air à l'entrée, léger tangage, rencontres, plaisirs de lecture furtivement échangés, villages découverts, et déjà on repart vers les prochains lecteurs....et déjà il y a plus de 20 ans, la conscience d'apporter un accès à l'information, à la culture et donc à une forme de liberté ....
D
Les livres doivent être mobiles : au Japon il est déjà possible de les lire sur son téléphone portable. Les "liseuses" électroniques apparaissent également chez nous. <br /> <br /> Le livre se transforme, se transporte : mais on aime toujours, malgré tout, l'objet imprimé. Difficile peut-être d'abandonner la page de papier pour l'écran, et le Bibliobus - j'en ai vu un, il y a environ deux ans à Paris, il avait dû se tromper d'itinéraire) pour des surfaces dites "tactiles". <br /> <br /> Le doigt est un marque-page, c'est vrai qu'il peut laisser son empreinte partout (un test ADN saura identifier son propriétaire), sur le vélin comme sur les cristaux liquides. <br /> <br /> Dans un Bibliobus, penser aussi à installer un projecteur de cinéma (16 ou 35 mm), il reste encore des films non sortis en DVD. Et puis un lecteur de CD, et un bar...
S
VIVE les médiathèques, les biblobus ces espaces préservés de tout mercantilisme!<br /> Où le bonheur de la découverte vous ouvre grand les bras au hasard d'une flanerie entre leur rayonnage, la beauté des surprises, la joie d'un livre introuvable, la beauté pour tous, accessible, sans chasse gardée élitaire!...
S
Pour ce qui est de son chanteur de fils, même si je trouve qu'il ne chante pas très juste...j'aime ses sourires "Tes parents", "Fanny Ardant et moi", sa mélancolie aussi, son attachement aux petites choses du quotidien, aux détails singuliers de ceux que nous aimons, des relation que nous vivons (c'est une caractéristique familiale!(-;)<br /> <br /> ...prêter attention, cette acuité tendre me touche
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