L'épluchage des pommes,
s'il est accompli avec précision, à l'aide d'un petit couteau à lame très fine
que certains appellent l'économe, équivaut à un véritable jeu d'adresse. On
peut observer, par transparence, la lame glisser sous la peau. Et, de la main,
on voit se dérouler une sorte de phylactère qui indique la superficie totale
du fruit.
Voilà un travail qui, s'il ne tenait qu'à moi, serait rayé à tout
jamais des manuels de la vie domestique, car une pomme est un tout, la peau
appartient à la chair et la chair se complète de la peau. N'empêche que le jeu
en vaut la chandelle.
Aucune activité, hormis laver la vaisselle, n'apaise
autant que celle-là. Dès l'instant où les enfants demandent que leur soient
accordés des morceaux de pomme sans épluchure, l'épluchage devient nécessaire
et éminemment intéressant. Tout épluchage devient une manière d'être, une
façon de peser le pour et le contre, de se comporter par rapport aux objets, de
rechercher sous la pelure la lumière de la chair.
Qu'il y ait deux, dix ou
vingt pommes à peler, il faut s'efforcer de conserver la même méthode, enlever
d'abord la plus fine membrane possible et ensuite, avec la pointe du couteau,
se débarrasser de la chair meurtrie et faire sauter les logettes à pépins.
Photo Xenotar28