Océania (Derrière la fenêtre)
Je viens de laver la vitre, plus une trace de mouche, je la souhaite nette et claire,
c’est à travers elle que je vois le monde et mon jardin imparfait.
Sur le bureau, l’ordinateur ronfle,
à mes pieds le chat ronronne,
dans la cheminée les braises s’éteignent.
Une écharpe brumeuse s’étire dans la vallée.
Bel automne... les vendanges sont achevées, bonne cuvée en perspective.
Les grappes sont serrées, les grains gorgés de soleil explosent entre langue et palais.
Il fait un peu frais ce matin, mais j’ai chaud à l’intérieur, en moi : le ventre, le cœur, la tête.
J’ai souvenir des bruits de l’été :
rires, jeux, plongeons, éclaboussures, bourdonnement de la nature.
Je pense à ceux que j’aime, mes enfants, leur regard d’affection, de tendresse, parfois d’inquiétude.
Je me penche pour voir le mûrier platane.
Il porte encore toutes ses feuilles, elles jaunissent ces jours-ci.
À la première gelée, en une nuit, elles tomberont en flaque d’or autour du tronc,
dévoilant les branches noueuses et virevoltantes telle la chevelure d’une gorgone bienveillante.
Ce mûrier est un arbre amour.
L’été, son ombre touffue protège les déjeuners,
le soir, il abrite les grandes tablées amicales éclairées
par de multiples bougies blotties dans des pots de yaourt en verre.
Dans la ramure s’enroulent de minuscules lumières blanches, autant d’étoiles dans un ciel de Petit Prince.
Il est dépositaire, ombre tutélaire de tant de confidences,
joies ou soucis, amitié, siestes et lectures, projets, dessins d’enfants.
Lorsque la brise agite ses feuilles, leur frémissement contient des secrets.
Me vient ce dicton provençal cité lors du passage d’une année à l’autre :
« L’an prochain, si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins »
J’ajoute de fines brindilles sur les braises, je souffle, elles rougeoient ;
modeste et fragile, une flamme vacille, odeur de fumée, crépitement.
Je retourne à la fenêtre.
Je songe aux brindilles ajoutées sur les feux qui, dans ma vie, furent presque éteints.
Les miennes brindilles et celles des autres, les mains tendues.
La vie comme elle vient, la beauté du monde, le goût des cerises,
la richesse de cette terre où nous savons qu’un trésor est caché dedans.
Terreau d’un jardin imparfait, certes, conjugué au présent de chaque jour.
C’est ce que je vois de ma fenêtre frottée nette et claire,
comme j’essaie de le faire pour mon esprit et mon âme.
25 septembre 2009