Robert Desnos

À la Mystérieuse (l926)

Ô douleurs de l'amour!
Comme vous m'êtes nécessaires et comme vous m'êtes chères.
Mes yeux qui se ferment sur des larmes imaginaires,
mes mains qui se tendent sans cesse vers le vide.
J'ai rêvé cette nuit de paysages insensés et d'aventures dangereuses
aussi bien du point de vue de la mort que du point de vue de la vie,
qui sont aussi le point de vue de l'amour.
Au réveil vous étiez présentes, ô douleurs de l'amour, ô muses du désert, ô muses exigeantes.
Mon rire et ma joie se cristallisent autour de vous.
C'est votre fard, c'est votre poudre, c'est votre rouge,
c'est votre sac de peau de serpent, c'est vos bas de soie...
et c'est aussi ce petit pli entre l'oreille et la nuque,
à la naissance du cou,
c'est votre pantalon de soie et votre fine chemise et votre manteau de fourrure,
votre ventre rond c'est mon rire et mes joies
vos pieds et tous vos bijoux.
En vérité, comme vous êtes bien vêtue et bien parée.

Ô douleurs de l'amour, anges exigeants, voilà que je vous imagine
à l'image même de mon amour, que je vous confonds avec lui...
Ô douleurs de l'amour, vous que je crée et habille,
vous vous confondez avec mon amour dont je ne connais
que les vêtements et aussi les yeux, la voix, le visage, les mains,
les cheveux, les dents, les yeux...

Vettriano « After The Thrill Is Gone », oct-nov. 1994

Comments

[Hazel]

Je voulais simplement vous dire que ce blog est vraiment superbe.
Très bonne idée de réunir plusieurs personnes autour de la littérature pour fournir des extraits d'œuvres les plus diverses.

[amichel]

La dormeuse est ensorceleuse
Le fruit de ses lèvres pulpeuses
Mûrit au soleil d’une paresse
Dont elle aime la chaude caresse

Sous les rideaux de ses longs cils
Des rêves secrets fous et subtils
Dansent et s’habillent de couleurs
Sur la musique douce de son cœur

De fins cheveux d’or tremblent
Sur son visage dont il semble
Que le sommeil donne un éclat
Au grain charnu et délicat

La dormeuse est ensorceleuse
Son abandon la rend heureuse
L’harmonie de sa jeune beauté
Allie force grâce et fragilité

[D. Hasselmann]

Desnos sait vêtir ou dévêtir de mots les douleurs ou les bonheurs aimants.

Vettriano est un grand peintre : mais il importerait d'effacer la cigarette qui pend ici à la main de la "Mystérieuse".