Aragon
Le rendez-vous
perpétuel
J’écris contre le vent
majeur et n'en déplaise
A ceux-là qui ne sont que
des voiles gonflées
Plus fort souffle ce vent
et plus rouge est la braise
J'écris contre le vent
majeur et que m'importe
Ceux qui ne lisent pas
dans la blondeur des blés
Ne soit que ton passage
et tout ciel que tes yeux
Qu’un tramway qui s'en va
toujours un peu t'emporte
J’écris comme je veux et
tant pis pour les sourds
Si chanter leur parait
mentir à mauvais jeu
La trace de tes pas
m'explique le chemin
C’est toi non le soleil
qui fais pour moi le jour
Je comprends le soleil au
hâle de tes mains
Le soleil sans l'amour
c'est la vie au hasard
Le soleil sans l'amour
c'est hier sans demain
C'est toujours notre
amour dans tous les yeux pleuré
C'est toujours notre
amour la rue où l'on s'égare
C'est toi quand le train
part le coeur qui se déchire
C'est toi le gant perdu
pour le gant déparé
C'est toi dans les
mouchoirs agités longuement
Et c'est toi qui t'en vas
sur le pont des navires
Et sur le seuil au soir
les aveux sans paroles
Un murmure échappé Des
mots dits en dormant
Dans un préau d'école au
loin l'écho des voix
Un deux trois des enfants
qui comptent qui s'y colle
La plainte des prisons la
perle des plongeurs
Tout ce qui fait chanter
et se taire c'est toi
Et c'est toi que je
chante AVEC le vent majeur.
In « Le Nouveau
Crève-cœur »
Tableau Robert Renard
« Double peau d’Eros »