Pascal Quignard (Ad finem)

Curieusement je n'avais jamais regretté un monde.
Je n'ai jamais ressenti le désir de vivre dans une épo­que qui fût ancienne.
Je ne puis me désancrer des possibilités actuelles d'inventaire, de disponibilité li­vresque, d'idéal fracassé, de la sédimentation de l'horreur, de cruauté érudite, de recherche, de science, de lucidité, de clarté.

Jamais le spectacle de la nature sur la terre, étant devenu si rare, n'a été si poignant.

Jamais les langues naturelles ne furent à ce point dévoilées à elles-mêmes dans leur substance involon­taire.

Jamais le passé n'a été aussi grand et la lumière plus profonde, plus glaçante. Une lumière de mon­tagne ou d'abîme. Jamais le relief ne fut plus accusé.

In « Abîmes »

Crypte Villa Cimbrone, Ravello

Photo Océania

Comments

[totem]

A l'aune du temps qui passe, notre perception des hommes et de la nature se teinte du reflet d'argent de nos tempes grisonnantes, la beauté n'en est que plus profonde...

[D. Hasselmann]

Pascal Quignard manie le paradoxe à la perfection, lui qui est un si fin connaisseur de l'Antiquité.

La photo est jolie, il faudrait juste rallumer les bougies...

[fabeli]

"Je n'ai jamais ressenti le désir de vivre dans une épo­que qui fût ancienne. "
"Ici" et "maintenant" n'existent-ils pas que sur le socle du passé?
Je suis là parce que d'autres y furent...

La photo est magnifique! voilà un endroit que l'on doit quitter à regret.
Heureuse de te retrouver, Danielle.

[too banal]

Je t'ai emprunté un texte d'Alessandro Baricco.
Merci et bon week end!