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Voyage dans les mots
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7 février 2008

Henri Pichette (Monsieur Diable)

masque_du_diable

Néanmoins, la vie sera élucidée.

Car à vingt ans tu optes pour l'enthousiasme, tu vois rouge, tu ardes, tu arques, tu astres, tu happes, tu hampes, tu décliques, tu éclates, tu ébouriffes, tu bats en neige, tu rues dans les brancards, tu manifestes, tu lampionnes, tu arpentes la lune, tu bois le lait bourru le vin nouveau l'alcool irradiant, tu déjeunes à la branche, tu pars à la découverte, tu visites l'air les champs les ruines les métropoles les stades et les musées les jungles et les églises les arènes les volcans les chutes les fjords les oueds les lagunes les bayous les caftons les toundras les déserts les grandes salles des châteaux les jardins suspendus les pyramides les mégalithes les cata­combes les cavernes ornées les blanches montagnes les théâtres étoilés la mer Océane, tu bolides, tu pagaies, tu varappes, tu dribbles, tu crawles, tu voles à voile, tu hameçonnes les filles, tu t'amou­raches, tu gamahuches, tu renverses la vapeur, tu déploies les couleurs, tu dérides les bonzes, épouvantes les bigotes, scandalises les vieux birbes, tu convoles un jour dans l'infanterie un jour vers les oiseaux-lyres les aigles-bugles les cygnes au cri de cuivre un jour avec les clartés furieuses les splendeurs d'ombre la nature, tu idéalises, tu ambitionnes, tu adores, tu détestes, tu brilles.

A quarante ans je te retrouve rongeant ton frein, tu fondes sur la sympathie, il y a un cerne noir à toute chose, tu déshabilles du regard, tu convoites, tu prémédites, tu disposes tes chances, tu te profiles, tu places ton sourire tes phrases tes bouquets tes collets tes canapés, tu estimes, tu escomptes, tu commerces, tu carbures à prix d'argent, tu te pousses dans les milieux, tu médis du tiers et du quart ou fais du plat selon le rang, tu arroses, tu gobichonnes, tu prends du ventre, tu prends des mesures, tu prends médecine, tu te mets au vert, tu récupères, tu remets ça, tu enrobes et te lisses le cheveu, tu ne veux pas avoir l'air, tu opères comme en glissant, tu ser­pentes, tu attaques par le faible, tu escarmouches à petits coups de champagne, tu endors les chagrins, tu tamises les lampes, tu officies sous le manteau de la nuit... mais se réveiller : la grisaille la routine les manigances la vacherie... comme tu voudrais un jeu neuf! que s'il te l'était donné, tu laverais les sons, ressourcerais les images, procéderais à la toilette des Muses des Grâces des bonnes fées, or tu dissèques, tu calcules, tu cogites, tu épilogues, tu fais silence.

A soixante ans tu dates, tu radotes, tu perds la main l'ouïe tes dents, le coeur te faut, les jambes te flageolent, tu tombes en faiblesse, encore un peu et tu retombes dans une enfance touchée à mort.

In, « Les Epiphanies 

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Commentaires
D
Tout ce livre est l'oeuvre d'un chirurgien de l'esprit, qui n'evite ni la blessure, ni de couper le nerf. De l'amoureuse debride sans etre lubrique au diable sans pitie. Ce livre m'a poursuivi toute ma vie, de 20 ans a aujourd'hui, 66 ans dans quelques jours. J'adore.
T
La cruauté de la condition humaine où chacun se reconnaîtra où s'aveuglera, car enfin la roue tourne : 14 lignes à 20 ans, plus que 12 à 40 et même pas 3 lignes à 60 ans, c'est tout dire....
F
Non, pour ma part je préfère l'image d'un chemin sur lequel nous pouvons à chaque âge découvrir de nouveaux paysages et ne jamais revenir sur nos pas.
Z
Quelle magnifique, magnifique description des âges de l'Homme. 20 ans boulimique joyeux, quarante carnassier calculateur, heureusement qu'arrive à grand pas l'état liquide et inoffensif! ;)<br /> <br /> Bon week end ma chère princesse Océane!<br /> <br /> Votre Ziza trézokupée
C
Non, moi, à ce programme-là, je n'adhère pas! J'espère rester en enfance, pour ne pas avoir à y retomber.
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