Jean-Michel Maulpoix

Il n'est rien que l'on puisse enfermer dans un livre.
C'est pourquoi ces mots vont et viennent : cet encombrement, cette pauvreté, ce bruit insistant de la langue, le coeur en nage, l'âme en alarme, cherchant à se loger...
Cela qui souffre dans sa chair mais n'a pas même un corps à soi pourra-t-il prendre forme, comme on dit prendre femme ?
Épars dans la lumière du jour, le bleu attend son heure. Il fait le guet, il prend son temps. Jamais il ne perdra patience, car il a tout le temps pour soi. Il mûrit sa couleur en d'interminables aurores. Il déchiffre sa propre histoire. Quelques phrases, pour le dire, suffiront bientôt, et de peu de mots, mais justes, précises comme un visage, et comme lui périssable, cachant sous la beauté le crâne et le dedans obscur.
On voudrait bien montrer son âme, donner des royaumes à rêver, mais la tristesse de l'invisible est profonde où infuse le chagrin.

In, « Une histoire de bleu »