Michel Baglin
J’apprenais un
temps
J'apprenais un temps doué
d'épaisseur. Après midi le vieil homme s'allongeait sous le prunier, dans un
carré d'herbe que son ardeur de jardinier avait épargné. Au réveil, la
longueur de sa sieste se mesurait sur son dos, à la profondeur de l'empreinte
des noyaux dédaignés.
Puis le sarcloir au
jardin tintait sur les cailloux. Une volée de graines étoilait la basse-cour
de sa mitraille claire. Plus tard, l'insistance d'un fumet de ragoût signalait
le moment où la chaîne du puits allait se taire, où l'on entendrait deux sabots
racler la marche de l'entrée.
Alors le soir se creusait au rythme sonore des lentes cuillerées. Un revers de main dérangeait le vermicelle des moustaches. Comme un rituel de paix, le poids soudain d'un chat sur les genoux annonçait l'abandon des fins de journée.
In « Les Mains
nues »
Photos Océania