Régine Detambel
J'écris à l'écran, je
n'ai plus besoin de toucher pour sentir, j'effleure seulement. Mon écrit est de
la graine de traces. Il est eau. L'écriture aujourd'hui, moderne poétique de
la peau, n'écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin
du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort-né, encore
sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n'est plus une
écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres — et
c'est pourquoi d'ailleurs elle se mémorise si mal.
Elle dit qu'il n'est plus
nécessaire de faire saigner la peau pour que l'écriture suinte vive, elle
procède virtuellement, elle s'inscrit à l'écran liquide.
L'écriture est bain.
In « Petit éloge
de la peau »
Tatouage sur papier