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Voyage dans les mots
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1 novembre 2008

Charles Baudelaire

vierge_cimet



La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,
Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?

 
Photo Anne Van

Poème dit par Ivan Levaï sur France Inter ce matin

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Commentaires
P
Étrange, en pleine relecture de Baudelaire, sur différents sites il refleurit à cette heure, Charogne, Correspondances, Confession, on peut relire toutes les fleurs du mal et retrouver la même énergie, entre Spleen et Idéal.<br /> <br /> et je ne peux me retenir, sorry :<br /> <br /> Confession<br /> <br /> <br /> Une fois, une seule, aimable et douce femme,<br /> A mon bras votre bras poli<br /> S'appuya (sur le fond ténébreux de mon âme<br /> Ce souvenir n'est point pâli) ;<br /> <br /> Il était tard ; ainsi qu'une médaille neuve<br /> La pleine lune s'étalait,<br /> Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,<br /> Sur Paris dormant ruisselait.<br /> <br /> Et le long des maisons, sous les portes cochères,<br /> Des chats passaient furtivement,<br /> L'oreille au guet, ou bien, comme des ombres chères,<br /> Nous accompagnaient lentement.<br /> <br /> Tout à coup, au milieu de l'intimité libre<br /> Éclose à la pâle clarté,<br /> De vous, riche et sonore instrument où ne vibre<br /> Que la radieuse gaieté,<br /> <br /> De vous, claire et joyeuse ainsi qu'une fanfare<br /> Dans le matin étincelant,<br /> Une note plaintive, une note bizarre<br /> S'échappa, tout en chancelant<br /> <br /> Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde,<br /> Dont sa famille rougirait,<br /> Et qu'elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,<br /> Dans un caveau mise au secret.<br /> <br /> Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde :<br /> " Que rien ici-bas n'est certain,<br /> Et que toujours, avec quelque soin qu'il se farde,<br /> Se trahit l'égoïsme humain ;<br /> <br /> Que c'est un dur métier que d'être belle femme,<br /> Et que c'est le travail banal<br /> De la danseuse folle et froide qui se pâme<br /> Dans un sourire machinal ;<br /> <br /> Que bâtir sur les coeurs est une chose sotte ;<br /> Que tout craque, amour et beauté,<br /> Jusqu'à ce que l'Oubli les jette dans sa hotte<br /> Pour les rendre à l'Éternité ! "<br /> <br /> J'ai souvent évoqué cette lune enchantée,<br /> Ce silence et cette langueur,<br /> Et cette confidence horrible chuchotée<br /> Au confessionnal du coeur.
C
J'ai entendu également le poème de Baudelaire hier matin. La première fois, c'était dans le film de J Villiers "La verte moisson", en 1959. Depuis , la musique des mots me revient souvent. C'est un autre beau moment de le retrouver sur ce blog. Mais je n'aurais pas vu l'illustration de cette manière. Il me semblait qu'il y avait distance par rapport à l'idée courante de la représentation des saintes. Mais il est vrai aussi que Baudelaire parle de cette "âme pieuse", évoquant ainsi le registre religieux. Alors, j'avais peut-être tort.
Z
Novembre est un mois assis entre l'automne et le chant de l'hiver. C'est le mois du rien pour moi, un mois de stase grise, en dépression, le mois le plus éloigné de la Vie, depuis toujours je n'aime pas entrer dans ce mois-là. Déjà je me sens mal...
C
J'ai failli éditer ce texte sur mon propre blog aujourd'hui, après l'avoir entendu ce matin. Merci de l'avoir fait chez vous.
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