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Voyage dans les mots
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15 octobre 2008

Georges Perec

moutons___stephmax50_flickr



« Ce qui nous parle, me semble-t-il, c’est toujours l’événement, l’insolite, l’extra-ordinaire (…). Il faut qu’il y ait derrière l’événement un scandale, une fissure, un danger, comme si la vie ne devait se révéler qu’à travers le spectaculaire, comme si le parlant, le significatif était toujours anormal : cataclysmes naturels ou bouleversements historiques, conflits sociaux, scandales politiques...
Dans notre précipitation à mesurer l’historique, le significatif, le révélateur, ne laissons pas de côté l’essentiel : le véritablement intolérable, le vraiment inadmissible : le scandale, ce n’est pas le grisou, c’est le travail dans les mines. Les « malaises sociaux » ne sont pas « préoccupants » en période de grève, ils sont intolérables vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an.
Ce qui se passe vraiment, ce que nous vivons, le reste, tout le reste, où est-il ? Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ?
Comment parler de ces « choses communes », comment les traquer plutôt, comment les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées, comment leur donner un sens, une langue : qu’elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes.
Peut-être s’agit-il de fonder enfin notre propre anthropologie : celle qui parlera de nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres. Non plus l’exotique, mais l’endotique. »

 

In « L’infra-ordinaire »
Photo stephmax50,
« Moutons » 

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Commentaires
N
Ces choses communes sont le sédiment de ce qui est extraordinaire, de ce qui sort du commun, comme une déviance de cette banalité, franche et soudaine, qui suscite une réaction. L'un ne va pas sans l'autre. C'est comme le bien et le mal, il me semble. Cela me fait penser qu'il faut absolument que je lise la vie mode d'emploi et les revenantes !<br /> <br /> Bonne fin de semaine :)
F
Pour nous faire voir et sentir l'ordinaire des jours et des hommes, il y a l'écrivain.<br /> N'est-il pas le seul à pouvoir prendre la distance nécessaire pour nous faire voir "l'endotique"?
D
Cette notion d'infra-ordinaire me séduit depuis toujours, son "inventeur" aussi d'ailleurs. La vie, mode d'emploi est un livre majeur. L'homme qui dort aussi.
D
La proposition de Perec tient et il est vrai qu'on peut la renverser : l'ordinaire s'invite à notre table quotidiennement, mais l'extra(or)dinaire n'est pas exclu de notre vision.<br /> <br /> Perec... perce les apparences mais leur "endotique" est peut-être encore plus exotique dès que l'on y prête attention. <br /> <br /> Comme il nous l'a montré par ses leçons de choses.
A
L'oeuf dur sur le comptoir <br /> le café noir<br /> et la gauloise bleue <br /> tous les matins <br /> avant le turbin<br /> y pas plus extraordinaire <br /> pour un chômeur <br /> en fin de galère <br /> <br /> quand le réveil <br /> se met en sommeil<br /> quand tu m'apportes <br /> le croissant chaud de ton sourire <br /> avec le lait de ta peau douce <br /> le sucre de tes baisers <br /> dans notre plumard <br /> tard très tard <br /> quand les doigts du soleil <br /> tapent aux carreaux <br /> y a pas plus extraordinaire <br /> qu'une grasse matinée <br /> dans une chambre<br /> de meublé <br /> <br /> mais le plus extraordinaire <br /> c'est quand les foules auront des dents <br /> pour mordre les pleins de soupe et d'argent <br /> que les crève-la-faim auront du pain<br /> tous les sans abris un logis <br /> et les exclus droit à la vie <br /> enfin qu'on puisse rêver à sa faim <br /> avec au menu <br /> le bonheur à l'ordinaire
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