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Voyage dans les mots
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10 septembre 2008

Paul Giannoli (Flambée)

calypso



Flambée de désir pour Calypso

 

L'abbé me demande, en confession, si j'ai eu de mauvaises pensées. Je ne me sens pas obligé de lui avouer que je pèche gravement par la lecture régulière des pages 31, 119, 87 d'un certain livre. Ce n'est pas un livre défendu, il est au programme de la classe : Aventures de Télémaque, de Fénelon, édité par la librairie Aristide Quillet.

Le prof de lettres, M. Cabanis, a sélectionné les chapitres que nous devons étudier mais j'ai eu la curiosité de parcourir les autres pour arri­ver à ce passage : « Je vis de tous côtés des femmes et des jeunes filles parées qui allaient en chantant les louanges de Vénus, se dévouer à son temple. La beauté, les grâces, la joie, les plaisirs éclataient sur leurs visages. L'air de mollesse, l'art de composer leur visage, leurs regards, semblent chercher ceux des hommes pour allumer de grandes passions. » La première fois, quelques-uns de ces mots ont flambé devant mes yeux. «Allumer de grandes passions » me bouleverse, moi qui ne connais que l'amour de mes parents et l'affection de mes amis.

Fénelon écrit que ces nymphes sont « parées ». Je les imagine dans des tuniques très courtes ceinturées d'un fil d'or, à peine dissi­mulées sous des voiles translucides. Des tableaux que j'ai vus au musée Cantini m'ai­dent à inventer ces images. Je suis certain qu'on devine leurs seins. Elles sont certaine­ment très parfumées. L'auteur décrit égale­ment leur « mollesse ». Je les vois alanguies, abandonnées, couchées sur des coussins bro­dés.

Tout cela dans l'île de Calypso, une déesse dont je tombe instantanément amoureux. Je ne me lasse pas de relire ces lignes : « L'éclat de sa beauté, la riche pourpre de sa robe longue et flottante, ses cheveux noués par-derrière négligemment mais avec grâce, le feu qui sor­tait de ses yeux. »

L'étude de Télémaque occupe tout le premier trimestre. J'écoute, distraitement, le récit de ses tribulations et de ses exploits. J'entends évoquer Tyr, Ithaque, Pylos, Samos et Salente mais mon esprit vagabonde à la recherche de l'île aux nymphes. Des personnages extraordi­naires défilent, un seul nom m'habite : Calypso. La page 87 est une porte que j'ouvre sur un monde que je ne fais encore que devi­ner.

C'est le monde du désir.

 

In « Les gestes oubliés »

Tableau Calypso ( ?)

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Commentaires
K
J'avoue mon inculture sur le sujet mais votre description de ce monde des désirs demeure fort séduisante.<br /> <br /> bonne journée.
A
Vertiges de chair<br /> -------------------- <br /> <br /> Quel est ce feu ardent qui embrase nos cœurs ?<br /> D’où vient cette chaleur, ce soleil de nos âmes<br /> Eclair éblouissant et aveuglante flamme ?<br /> Nos désirs sont si forts que bonheur est douleur.<br /> <br /> D’où vient cette chaleur, ce soleil de nos âmes ?<br /> Quelque soit la saison les baisers sont en fleurs<br /> Nos désirs sont si forts que bonheur est douleur<br /> La vague du plaisir nous roule dans sa lame <br /> <br /> Quelque soit la saison les baisers sont en fleurs<br /> Les hommes sont fougueux et les femmes se pâment <br /> La vague du plaisir nous roule dans sa lame <br /> Les lèvres des amants ont de vives couleurs <br /> <br /> Les hommes sont fougueux et les femmes se pâment <br /> Les corps nus à leurs sens se donnent sans pudeur <br /> Les lèvres des amants ont de vives couleurs<br /> Ô Vertiges de chair que la passion réclame !
C
Le soir, après des heures de lecture, quand la fatigue alourdie mon corps, je referme ces papillons collés ou cousus les uns aux autres qui forment ce que nous appelons communément un « livre ».<br /> Sur leurs ailes, j’ai volé ; ils m’ont transporté vers des pays lointains, ils m’ont rendu témoin de tranches de vie, moments dérobés par l’œil de la lectrice que j’étais.<br /> Mais il est une douceur à nulle autre pareille, quand les paupières lourdes se ferment, comme les volets d’une maison provençale un soir d’été ; soudain la flamme de bougie crépite et les rayons d’une lune pleine traversant les persiennes, viennent éclairer la demeure rafraîchie.<br /> Alors, étendue, couverte de lumière or et argent dansant sur sa peau, elle sourit, bienheureuse …et je l’aime.
C
Je suis entré dans la culture grecque, à mon adolescence, par la même porte. Seul l'intitulé de l'écriteau différait, et c'est Achille et Patrocle qui me faisaient rêver, pas Calypso. Mais c'est la même chose!
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