Océania - Réponse de Dan
Réponse de Dan
Bonjour Danielle,
…Tes lettres me font
plaisir, la colère maîtrisée que tu exprimes dans l’une : Il n’existe
pas de lecture innocente, le mieux est
de chercher de quelle lecture nous sommes coupables »
Innocence : état de l’être qui ignore le mal, qui n’est pas
souillé par le mal, qui est incapable de le commettre. Etat de celui/celle qui
ne nuit pas, qui n’est pas malfaisant. Etat de celui/celle qui n’est pas
coupable (d’une chose particulière…)
…coupable d’une chose
particulière : c’est sur la chose que joue l’ambiguïté de
cette phrase, (sa perversité, dis-tu) je
veux dire qu’innocent, nul ne l’est…dans l’absolu (car à quoi est-on traître
quand nous demeurons fidèles…) et que tout censeur a beau jeu de prétendre à la
culpabilité – non pas d’une chose précise, mais de toute lecture, du fait même
de lire, d’être lecteur – de l’autre.
Nous ne pouvons pas ne
pas être traîtres, coupables… du fait même que vivre c’est mettre en jeu une vision /lecture
du monde personnelle qui instaure un écart à ce qui est vu/lu.
Cette phrase s’adresse à
des psy en employant des termes moraux qu’il faut défaire de leur charge
culpabilisatrice, stigmatisante.
Il y est question de
lecture et ils parlent de traduction/interprétation de la parole de l’autre, de
ses écrits, de son symptôme, etc…
Qui
traduit/interprète/lit dans ce sens ne peut que mettre une distance, sa
distance , son écart au texte qu’il aborde.
« Connaître sa
vision » peut être la leçon de cette sentence.
Il faut en savoir quelque
chose (sous peine de nier l’écart qui permet le lien, la trahison -
ma vision n’est pas la sienne, je « le » prends ou prends son texte
dans ma vision – qui instaure et l’autre et moi-même comme différents,
existants jusqu’au bout , à distance l’un de l’autre)
Mais tu as raison :
il faut aller plus loin, aborder la justesse possible, parfois difficile,
toujours liée à un certain amour de la vie en ses mille facettes, en son
mouvement, en ses échanges…la justesse possible de sa propre vision.
Coupable renvoie
alors au sentiment intime de n’être pas juste, ajusté en sa vision… honnête en fait …avec soi-même tel quel, avec
l’autre que j’approche, que je lis.
Il faut décharger/vider
le mot coupable de son aspect paralysant, de la condamnation qu’il véhicule et
qui nous tétanise.
Aller par-delà les
méandres et les nœuds du mental (et cette phrase semble - si on ne la lit pas
comme une provocation, comme une incitation au « bien-faire » -
cautionner le constat d’une impuissance et condamner définitivement… fermer les
portes au lieu d’ouvrir le cœur…)
Le temps passe, nous en
reparlerons.
L’aube se lève sur la
crête des arbres, à droite de l’église…
Février 1997
Extrait d’une
correspondance amicale,
Photo Anne Van, Finlande