Océania
Bonjour Dan,
« Il n’existe
pas de lecture innocente,
le mieux est de chercher de quelle lecture
nous sommes coupables »
C’était le sujet d’un
concours d’entrée en psycho d’un ami.
Il me fut soumis en guise
de clin d’œil.
Il peut s’appliquer à
maintes situations.
J’ai d’abord éprouvé un
malaise, puis un agacement prononcé.
Je me trouvais devant un
énoncé dont je refusais la culpabilisation primaire.
Ce dont nous pourrions
être coupables
est de ne pas chercher à
l’intérieur de soi,
de ne pas écouter notre
musique personnelle.
Carence, absence d’une
lecture de nous-mêmes.
Dans une œuvre d’art, ce
qui ne se donne pas à voir au premier coup d’œil,
n’est-ce pas souvent ce
qui nous touche au plus près,
une évidence que nous masquons,
un amour que nous refusons,
une révolte que nous
jugulons,
une angoisse que nous
masquons ?
Tous les mécanismes s’activent pour l’ignorer.
Innocence et culpabilité
font partie de la sensibilité qui favorise
la compréhension de
certains mots qui mis côte à côte,
forment sens ici et
maintenant, pour nous, pour je.
Ce sont les bip-bip de
l’existence qui nous mettent ces mots sous les yeux.
Quand ils arrivent, restons en arrêt devant un sens qui se
dévoile,
qui se fait miroir et nous
met face à nous-mêmes.
Décryptons notre alphabet.
La chance de se lire.
Nous sommes coupables si
nous fuyons,
si nous la laissons
échapper par paresse, par lâcheté, par confort matériel.
Bien sûr, je suis attirée
par des lectures, des films, des œuvres d’art, des activités,
des amis avec qui je
partage et qui nourrissent ma sensibilité.
Quoi que j’aie
lu-vu-admiré-accompli-fréquenté-aimé,
la culpabilité que j’ai
pu ressentir ne provenait pas de l’Autre mais de moi-même.
Du désir, du manque, du masque imposé à l’être supposé impératif pour survivre.
Le fatras …
L’Autre, en face, fut et est toujours enleveur de bandeau,
révélateur de découvertes, parcelles, étincelles.
Dans le calme comme dans
la tourmente et parfois, rétrospectivement.
La finalité d’une vie ne consiste-t-elle
pas à descendre,
à retrouver le tronc de
l’arbre archaïque,
antérieur à la déviance-échappatoire, lorsqu’il était encore fût,
lorsque la vie était encore innocente ?
Un sens qu’on peut donner
à sa vie est de tomber les masques,
devenir un arbre de haut
fût.
Chercher les liens de nos
masques n’est pas facile,
les nœuds sont cachés dans
des lieux corporels de stockage.
Nous ne les voyons pas
mais nous pouvons les toucher,
accepter de nous perdre
dans les méandres du dénouement.
C’est d’une non-lecture
dont nous pouvons être accusés.
Voilà ce que me fait cet
énoncé qui ressemble à un piège.
Ces mots ne sont pas
dogmes,
c’est ce qui m’est venu
d’un seul pli.
Tant d’autres
interprétations, réflexions,
approches, malaxages, ouvertures
possibles…
extrait d’une
correspondance amicale.
Photo Alain Plenecassagne
Le billet de demain sera consacré à la réponse de Dan.