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Voyage dans les mots
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30 juin 2008

Julien Gracq

chemin129cp1906


[...]  J'espère mourir vite dès que les chemins de la terre ne me seront plus ouverts, même si c'est en imagination seulement, même si je n'y vais pas tellement souvent. Mais c'est dans le souvenir des longues heures de marche que ces plaisirs confortables et prodigués, qui aujourd'hui coû­tent si peu, plongent pour moi leur racine.
On ne peut mettre dans la route toute l'attente qu'elle est capable de combler si l'on n'a pas au moins quelquefois tout accepté de ses sévérités et de ses servitudes primitives : la faim, la soif, la fatigue, l'ennui, l'inconfort, l'incertitude du gîte, l'averse désastreuse qui bat la chaussée noyée et installe sa cataracte pour tout l'après-midi, et cet étrange senti­ment d'exil aussi, pareil à une basse monotone, qui naît du long chemin et ne déserte jamais ses pires exaltations : il en coûte aussi d'être un errant par le monde ; les joies sont traversées vite, on ne participe pas — il y a un regard, quand on déboucle son sac dans le soir jaune, sur un bal­con à glycines, au-dessus de la cour pleine de poules, de charrettes et de futailles comme un tableau hollandais, quand on s'attable sous la tonnelle d'une étape heureuse, qui interroge déjà avec détachement le ciel du lendemain, la file songeuse, au-delà des toits, des peupliers de la route par où les bêtes reviennent, et qui se lisse déjà pour la nuit.
«Aller me suffit» a écrit René Char. Il faut savoir s'installer dans ce porte-à-faux sans sécurité ; demain sera autre, demain pèse déjà sur les avancées reposantes de la nuit. Il est un poème, de Rimbaud encore — poème d'errant, poème de l'auberge d'un soir — qui rêve — merveilleusement, dérisoirement — de la félicité, de la capitulation bienheureuse de l'étape ultime. Il s'intitule Le Pauvre Songe, et ce poème de la sécurité dernière est encore comme une chanson de route.


in « Lettrines 2 »  José Corti, 1974

Photo Floreffe

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Commentaires
D
... aveugle ? <br /> <br /> B o r g e s.<br /> <br /> B e r g e s (de l'imaginaire).
D
Sur cette route entre les étoiles en exégète de la nuit,le marcheur se grise des sourires de la lune en <br /> roulant vers l'aube ses illuminations. <br /> D'un séisme,l'autre.<br /> Plutôt l'aube d'un bar estaminet de Bohème qu'on peine à entrevoir, dans la presque dérive en travers du chemin, il rêve d'un bateau ivre pour lui tendre demain.
A
J'aime beaucoup lire les écrivains voyageurs, les ethnologues aussi...<br /> Alexandra David Neel et ses voyages en Asie, au Tibet notamment, Claude Lévi-Strauss, Bruce Chatwin, Jacques Lacarrière, Nicolas Bouvier, Théodore Monod (plus penseur qu'écrivain, mais...) et tous ces auteurs du XIX qui ont voyagé dans l'inconfort.<br /> <br /> Par contre, Julien Gracq, je n'aurais pas pensé !
A
Partir au loin <br /> Où le ciel à la mer se mêle<br /> Donner sa fatigue aux requins<br /> Et suivre le vol de la mouette<br /> Que caresse le vent <br /> <br /> Partir au loin <br /> Dormir dans le soleil couchant <br /> Et se lever avec l’aurore <br /> Boire à la source des fontaines <br /> Ecouter le chant de l’alouette<br /> Déchiffrer ce qu’écrit l’hirondelle<br /> <br /> Partir au loin <br /> Suivre la caravane des nuages <br /> Cueillir la rose du désert <br /> Chercher l’ombre des palmes et l’oasis<br /> Suer à la chaleur des braises <br /> Et dans la neige se rouler <br /> <br /> Partir au loin<br /> Dans le sourire d’un enfant<br /> Dans les chemins de vie de la main d’un(e) ami(e)<br /> Aller s’il faut à cloche cœur <br /> Dans le pré clair où le bonheur se cache <br /> Se parer d’un collier de perles de pluie<br /> Et des étoiles à ses oreilles <br /> <br /> Partir au loin <br /> Dormir dans le soleil couchant <br /> Et se lever avec l’aurore <br /> <br /> Partir au loin<br /> Dans le pays du jardin bleu <br /> Où le cœur se repose
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