Océania ( Buddleia)
Le thème musical du jour
est le « Concerto pour violon » de Brahms, commentaires et audition.
Valérie est présente.
Un de ses fils
l’accompagne. En arrivant, l’enfant me tend une pousse de buddleia plantée dans
un petit pot entouré de papier aluminium.
- C’est pour toi, me dit
Valérie, elle vient de mon jardin, j’espère qu’elle grandira bien chez
toi. Tu verras, en fleur, c’est très beau…
- Quelque chose à
planter, quelque chose qui va grandir, merci, cela me fait plaisir !
La tige frêle garnie de
minuscules feuilles, bousculée par les petites mains turbulentes a souffert
pendant le voyage.
Un midi, elle a sorti son violon de l’étui et en a joué pour nous.
Simplicité du geste,
spontanéité du don importaient davantage que la musique.
J’imaginais la jeune
femme, partant de chez elle, son violon sous le bras avec l’intention de nous
faire partager une vibration intime, un moment de grâce.
Deuxième violon dans une fosse d’orchestre, elle soutient et accompagne de nombreux
héros d’opéra dont le scénario implique une mort tragique.
Elle apprécie
particulièrement le concerto de Brahms qui fut sa partition de concours. Alors
voilà, elle est venue avec son fils et le buddleia écouter le concerto mais
aussi me dire à sa façon qu’elle m’aime.
Le soir, j’ai posé le
modeste pot planté de son brin délicat sur l’étagère.
J’ai bien dormi.
Statique. Elle ne fane
pas, ne grandit pas. Au début de l’été, je l’installe à l’air sur le seuil de
la porte, je veille à sa soif, à son orientation.
Parfois, je me surprends
immobile et pensive devant cette petite chose qui n’évolue pas.
Je voudrais découvrir un
changement. Le seul signe de vie qu’elle manifeste est de ne pas mourir. Et je
songe à Valérie, à son mari électrocuté, léthargique pendant sept ans avant
de s’éteindre.
Figé, il résiste. Je le
pose sur la table ronde en fer mais un matin de mistral, il tombe et la tige
casse. A la base, il reste l’infime bourgeon présent depuis le début.
Cette brindille fracturée,
agressée, je la plante en pleine terre entre deux rosiers et l’encercle de
cailloux afin que personne ne confonde. Je préviens tout le monde :
« ceci n’est pas une mauvaise herbe, c’est un arbre ! » Chacun
s’esclaffe et se moque gentiment.
- « Tu as vu, Z… ?
Non ? Viens voir, regarde, alors qu’est-ce que c’est ça ? Oui, une
feuille, c’est une feuille, ça vit, ça bouge ! »
Je suis contente, je
marche dans l’herbe mouillée, la chienne gambade et saute autour de moi dans la
lumière rasante du matin.
J’aspire à partir
quelques jours. On parle départ, qui fait quoi, où, quand, comment ça
marche…L’absence, ça s’organise.
Z… se tourne vers
moi : « Tu veux que j’arrose ton arbre ? »
La dernière fois que
je l’ai vu, c’était un bel arbuste couvert de fleurs.