Océania (années 9O)
[…]
Aujourd’hui, j’encadre sous un même verre cinq petites cartes géographiques anciennes
du Vaucluse, Var, Drôme…
Autour de chaque
carte je vais tracer un rectangle noir à l’aide d’un tire-ligne trempé dans
l’encre de Chine. Je crains faire un pâté, une bavure qui m’obligerait à
recommencer le patient travail déjà accompli.
J’ai donc le projet de
tracer une ligne droite, nette, pleine et régulière.
Je vais être cette ligne
droite tout le temps que prendra le tracé des vingt côtés des cinq rectangles
avec dans la tête la légèreté d’esprit nécessaire à la grâce.
Je tente ici d’écrire ce
que je ne peux expliquer.
Si je suis ligne droite
en encadrement, je suis cire et chiffon pour le bois, eau et huile de lin pour
les tomettes, fer et vapeur pour le coton, sécateur et branche pour la taille,
semence et terre pour la fleur, respiration et regard pour la promenade, flamme
et saveur pour la cuisine. Je suis les mots, dis-moi les mots pour le latin,
émotion et sens pour la recherche, vacuité et perception pour l’accompagnement
Je reçois la bulle
contenant les gestes, la concentration, l’effort, le plaisir du moment.
Il irrigue, il vivifie,
il transforme les instants passés et futurs en impermanence et je me sens bien.
Il est question de
souplesse, d’humilité.
Ne plus vouloir à
n’importe quel prix.
Mais s’adapter dans le
sens de s’accorder, épouser.
Ecarter les images toutes
faites, les plans carcans et s’organiser pour attribuer à chaque activité le
temps qui lui revient pour achever le geste qu’elle implique.
[…]
Extrait d'une correspondance amicale.