Erri De Luca
Pour Calyste
Participe présent
L'athée se prive de
Dieu, de l'énorme possibilité de l'admettre non pas tant pour soi que pour les
autres. Il s'exclut de l'expérience de vie de bien des hommes. Dieu n'est pas
une expérience, il n'est pas démontrable, mais la vie de ceux qui croient, la
communauté des croyants, celle-là oui est une expérience. L'athée la croit
affectée d'illusion et il se prive ainsi de la relation avec une vaste partie
de l'humanité. Je ne suis pas athée. Je suis un homme qui ne croit pas.
Le croyant n'est pas
celui qui a cru une fois pour toutes, mais celui qui, obéissant au participe
présent du verbe, renouvelle son credo continuellement. Il admet le doute, il
expérimente l'équilibre et l'équilibre instable avec la négation tout au long
de sa vie. Certes, il y a des jours où le croyant flanche, peu ou prou, car tel
est l'enjeu de la plus difficile des vocations humaines.
Je suis un homme qui ne
croit pas. Chaque jour je me lève très tôt, je feuillette pour mon usage
personnel l'hébreu de l'Ancien Testament qui est mon obstination et mon
intimité. Ainsi, j'apprends. Je sens que chaque jour les bouts de vie que je
perds sont compensés par un mot qui vient lentement à la rencontre de mon
immobilité et me réconforte par un signe d'intelligence. Tous les jours, la
tête vide, je suis devant les lettres hébraïques et j’effleure en elles la
distance abyssale entre leur sens et celui que je parviens à saisir. Dans
tout cela je reste non-croyant, je reste quelqu'un qui lit à la surface des
lettres et qui en tente la traduction selon la plus rigide obédience à cette
surface révélée.
In," Alzaia" 1997