Yannick Haenel (Ce sont les plis...)
Ce sont les plis qui
ouvrent le désir. Ce sont eux qui le relancent. Un vent très léger s'allume
dans la nuit. Les ondulations commencent. Elles ne recherchent rien, rien
d'autre que la poursuite d'elles-mêmes, et de ce vent qui les fait exister à
travers le temps.
Quand je regardais le
corps de ces femmes, je voyais un monde de plis - de merveilleux plis dans les
robes. Les plis, me disais-je - des plis de brocart, des plis de moire, des
plis de toutes les couleurs, liés à la floraison des tissus -, en offrant la
tenture à la vie du mouvement, l'ouvrent en même temps au désir : l'érotisme de
ces tapisseries commence avec l'ondulation des robes.
« Ta robe, ce sera mon Désir, frémissant / Onduleux, mon désir qui monte et qui
descend » (Baudelaire).
Un geste délicat suffit à
inventer le corps qui le rend possible. Faites-vous l'esprit ouvert au secret.
La fente par où votre oeil s'embarque ne révèle rien car une tapisserie n'est
formée que de surfaces ; mais elle permet à l'oeil, en entrant dans la trame, de
rejouer un récit qui ne s'adresse qu'à lui-même.
Un va-et-vient de plis
passe devant vous comme une chevelure enflammée. C'est le tissu qui palpite. Il
devient sous vos yeux un monde.
"Le goût", détail