André Breton
Les écrits s’en
vont
Que lorsqu'on ne lit pas
on contemple cette femme avec tristesse
Sans oser lui parler sans
oser lui dire qu'elle est si belle
Que ce qu'on va savoir n'a pas de prix
Cette femme passe
imperceptiblement dans un bruit de fleurs
Parfois elle se retourne
dans les saisons imprimées
Et demande l'heure ou
bien encore elle fait mine de regarder des bijoux bien en face
Comme les créatures
réelles ne font pas
Et le monde se meurt une
rupture se produit dans les anneaux d'air
Un accroc à l'endroit du
coeur
Les journaux du matin
apportent des chanteuses dont la voix a la couleur du sable sur des rivages
tendres et dangereux
Et parfois ceux du soir
livrent passage à de toutes jeunes filles qui mènent des bêtes enchaînées
Mais le plus beau c'est
dans l'intervalle de certaines lettres
Où des mains plus
blanches que la corne des étoiles à midi
Ravagent un nid
d'hirondelles blanches
Pour qu'il pleuve
toujours
Si bas si bas que les ailes
ne s'en peuvent plus mêler
Des mains d'où l'on remonte à des bras si légers que la vapeur des prés dans
ses gracieux entrelacs au-dessus des étangs est leur imparfait miroir
Des bras qui ne
s'articulent à rien d'autre qu'au danger exceptionnel d'un corps fait pour
l'amour
Dont le ventre appelle
les soupirs détachés des buissons pleins de voiles
Et qui n'a de terrestre
que l'immense vérité glacée des traîneaux de regards sur l'étendue toute
blanche
De ce que je ne reverrai plus
A cause d'un bandeau merveilleux
Qui est le mien dans le
colin-maillard des blessures.
In, « Le Révolver à cheveux blancs » 1932
Tableau Leonor Fini, ?