Jean-Pierre Cometti
Pour Ziza,
Apporte-moi la
plante qui nous mène
là où surgissent de blondes transparences
et s’évapore la vie telle une essence ;
apporte-moi le tournesol affolé de lumière
(Eugenio Montale)
Ossi di seppia
On trouve parfois des os de seiche sur les plages, après une
nuit de mer agitée, comme si cet animal invertébré s’était alors délesté d’un
fardeau très léger qui semble destiné à le maintenir en état de flottaison.
Montale a appelé « Ossi di Seppia », l’une de ses premières séries de
poèmes, pour une raison que j’ignore, mais que j’aimerais imaginer en pensant à
ce délestage dont on ne peut que constater les effets. La seiche porte son os à
l’endroit où se tiennent nos pensées ; il lui est tout aussi précieux et
encombrant que ces états mentaux dont nous ignorons à peu près tout, sinon que
ce sont les nôtres.
Il peut arriver que les sentiments nous privent – à nos yeux – d’une relation
avec le monde que nous aimerions plus innocente ou plus détachée. Le mystique
qui souhaite atteindre Dieu se dépossède de ses attributs, il s’en détache,
jusqu’à devenir « sans qualités », comme le héros de Musil. On peut
aussi appeler cela un état « hors de soi », qui correspond à peu près
à ce que l’on nomme « extase ». Peut-être n’en va-t-il pas autrement
pour la seiche. Il suffit d’un os trouvé sur une plage pour y songer. On dit
bien de Montale qu’il se plaisait à découvrir des valeurs cosmiques dans des
détails infimes.
Extrait de "L'attrait du dehors" in, la revue Il particolare
Photo Auntie P.
La seiche possède une coquille interne, l’os. C’est en fait sa coquille
bien qu’elle soit interne. Cette coquille « l’os de seiche » est remplie d’air
et permet à ce céphalopode de flotter sans efforts à n’importe quelle
profondeur, sans être obligée de nager en permanence….
Lorsque la seiche ressent un danger, elle peut projeter un
nuage d'encre pour troubler l'eau et dissimuler sa fuite. Cette encre noire
(sépia) est utilisée en aquarelle.