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Voyage dans les mots
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2 février 2008

Alina Reyes

black_hole_sun___Solomon_Gursky___flickr


Les draps blancs

L'amour est blanc parce qu'il est la somme de toutes les couleurs, parce qu'il est la gomme qui m'efface, m'épelle et fait valser l'alphabet de mon identité, parce qu'il est le trou au travers de mon corps, le cerceau par où le jour entre et sort, bondit et se propage en rugissant dans ma chair nue.

L'amour est blanc comme la nuit, l'aube entre parenthèses, les pointes des parenthèses tendues pour se rejoindre, tracer l'oeil aveugle du voyant. L'amour est blanc comme le premier lange de la vie, et son linceul recommencé, la robe des communiants et la couronne de fleurs sur la tête des vierges qu'on mène à la déflo­ration, l'amour est blanc comme la chemise de l'homme que je veux, les draps entre lesquels je l'imagine, car de n'importe quelle couleur les draps sont toujours blancs, où dansent nos corps en ombres chinoises, les draps sont blancs comme les pages tissées de toute éternité par les fileuses de destins, blancs comme l'écume laissée sur la plage, et la crête des vagues quand au matin on les secoue sur l'île désertée du lit.

Les draps sont blancs parce que si longtemps les femmes les ont empilés dans de sombres armoires comme une lumière secrète, parce que je les ai vus étendus par terre au soleil comme des offrandes, où ils étaient l'image même de l'Amour couché sous le Ciel, ouvert, extasié sous le poids du divin dans l'herbe scintillante des prés.

L'époque est sombre et j'ai envie de lumière, de vies tissées d'envies de vivre, de désirs solides et joyeux, je veux des choses concrètes, ancien­nes et humaines, comme les rêves, la pensée, la musique, la danse, les livres et le plaisir. Je veux de l'amour.

In, "Politique de l'amour"
Photo Solomon Gursky (flickr)

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Commentaires
F
superbe nuances sensuelles et petits effets "hamiltoniens" pas désagréable du tout.
T
Beau texte léger et limpide comme la grâce féminine de ce déshabillé instantané, si bien léché, qu'on finit à le lire, de flirter avec la félicité.
A
La Rrose (petit livret impudique mais délicieux) veut de l'amour. Moi aussi. Comme chacun de nous, comme chacune de nous. "Un peu d'amour sinon je meurs ...".Je crois qu'elle habite pas très loin de chez moi la douce Alina.<br /> Merci Océania pour tous ces voyages.
G
Les stations de ski estivales<br /> Prêtent des qualités de blancheur<br /> A des réverbèrations palpébrales<br /> Dont le sens olfactif révèle<br /> Leur musicalité interne<br /> La neige boréale<br /> Aux reflets pourpres et verts<br /> Est plutôt orange et grise<br /> Voire noire<br /> Pour le spectre des malamutes<br /> Qui peint la mer enneigée<br /> Et les marées de cyprine nucléaire
Z
J'avais lu d'elle des extraits assez sombres et un tantinet "tordus" qui m'avaient profondément mis mal à l'aise. Voilà sa lumière. <br /> <br /> "les draps sont blancs comme la chemise de l'homme que je veux..." <br /> <br /> Ce texte ma chère Danielle me renvoie à votre belle poésie fleurant le bel amour et le linge propre. La lumière décidément sent le frais!<br /> <br /> Bon dimanche mon amie :)
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