Yves Bonnefoy
L'étoile dans la chose a
reparu,
Elle en grossit le grain
qui se fait moins trouble,
La grappe de ce qui est
donne à nouveau
La joie simple de boire à
ceux qui errent,
Les yeux emplis de
quelque souvenir.
Et ils se disent que peu importe si la vigne
En grandissant a dissipé le lieu
Où fut rêvée jadis, et
non sans cris
D'allégresse, la plante
qu'on appelle
Bâtir, avoir un nom,
naître, mourir.
Car ils pressent leurs lèvres à la saveur,
Ils savent qu'elle sourd même des ombres,
Ils vont, ils sont aveugles comme Dieu
Quand il prend dans ses
mains le petit corps
Criant, qui vient de naître, toute vie.
Et tout alors, c'est comme un vase qui prend forme,
La couleur et le sable se sont unis.
Les mondes de
l'imaginaire se dissipent.
Quelque chose s'ébauche
qui ressemble
À des cailloux qui brillent
dans l'eau claire.
In, « Ce qui fut sans lumière "
Photo Lorgnon mélancolique, "Fenêtre"
http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/