Pascal Quignard ( Symbiose)
On dit que dans une
symbiose les deux organismes se prodiguent mutuellement secours et nutriments.
L'aide et la vigilance en premier.
La nourriture en second
(c'était plutôt ce que Georges aurait placé en premier).
Dans la symbiose chacun
exploite irrésistiblement l'autre à proportion de ce qu'il lui rend. Si l'un
d'aventure, cherche à prendre avantage sur l'autre, il asphyxie son partenaire.
Si l'autre l'affame, il meurt.
La symbiose ne définit
même pas un équilibre. C'est un conflit extrêmement instable - comme le temps
dans le ciel de la province de Bourgogne.
Seule la recherche de
l'égalité jamais obtenue, impossible, venant, s'effaçant, revenant sans fin, la
fait palpiter, la fait vivre.
Leurs pensées
commencèrent à se rencontrer à mi- chemin.
Puis elles se croisaient
à plus court encore. À l'intonation. Avant même : dès l'ouverture de la
bouche, dès le frémissement autour de la bouche. À la brume sur les lèvres
l'hiver. À l'odeur. À l'angoisse. Au soupir.
Ils vivaient tellement
ensemble qu'ils ne se parlaient plus.
Elle n'était plus jeune ;
la vie se faisait de plus en plus intérieure au fond de son corps. Couverte de
dix châles son visage aigu irradiait comme une ampoule.
Georges disait (comme si
cela avait été plus clair) :
- Quelque chose de l'incommunicable
a été communiqué à cette femme et éclaire ma vie.
In, « Villa Amalia »
Dessin Faujas