L’imperceptible
Ça vient, c'est déjà
reparti. Tu crois que c'est le temps, mais non. Autre chose. Comme une
effervescence minuscule : tu fais un lit, tu marches dans une rue quelconque et
c'est là. Comme une clarté au milieu du jour, mais sans lumière. Sans rien
d’autre pour le dire que quelques mots, soudain, très simples — table, cri ou
silence ou nuit… — et qui insistent. Alors, tu les prends : ils forment de
petits organismes brefs, pareils à des coquillages que tu porterais à l'oreille
pour écouter. (Tu crois que c'est le bruit de la mer, mais non). Ou des
cristaux brûlant du même éclat multiplié, mais d'où venu? Tu regardes autour de
toi : montée d’escalier, mur, visage, cuvette, matin sur la vitre. C'est comme
une vague unique, silencieuse, invisible. Toutes les choses la reflètent et, en
même temps, elles y brillent, s'y effacent. Ça vient, oui, mais c’est immobile.
Ce n'est rien de ce que tu peux dire. Mais tu parles, malgré tout. Pour écouter
entre les mots, comme dans le coquillage. Ce vide bruissant. Tu dis chut !,
écoute. Mais ce n'est rien. Tu dis : c'est l'imperceptible.
1996
Photo oceania, "Reflet Noël 2007"