Patrick Chamoiseau
Inventez-vous des dieux qui vous laissent libres,
des rêves qui vous élèvent,
des peurs qui enseignent l’exigence,
des peuples et des amis qui vous donnent l’exemple et le courage,
parlez aux fleurs,
aux rivières
et aux vents comme si c’était vous-même,
regardez les hommes comme de petits soleils,
ayez des émotions et des admirations,
laissez-vous emporter par la bonté et le désir d’offrir,
aimez ce qui est vivant,
qui rit,
qui pleure,
qui chante
et chantez avec eux,
ne soyez pas tendres avec votre corps,
soyez bienveillants avec tout le monde,
ne vous apitoyez jamais sur vous-mêmes,
prenez la douleur comme un signe de vie,
les ennuis comme l’écume de l’action,
les larmes ne servent qu’à nettoyer les yeux
et utilisez-les pour dégager votre cœur,
dites-vous que personne ne peut rien pour vous,
que personne n’est la cause de vos manques et souffrances,
que vous êtes seuls à décider si vous êtes du manger pour la mort ou du manger pour la vie,
créez-vous une richesse qui n’a rien à voir avec les biens de ce monde,
faites battre votre cœur et votre esprit,
aimez la solitude comme on va vers les autres,
conservez le silence comme on prend la parole,
tombez quand il le faut mais ne restez jamais à terre,
changez tous les jours
et restez ce que vous êtes dans ce changement qui va,
cherchez chaque jour quelque chose à apprécier,
quelque chose à célébrer,
quelque chose à construire,
là où il n’y a pas d’hommes soyez des frères,
là où il y a des frères soyez des pairs,
soyez dans rien pour être dans tout,
là où l’on prie écoutez ce qui monte,
là où on ne prie pas voyez ce qui se fait,
là où on aime aimez plus que tout le monde,
là où on n’aime pas chérissez la beauté,
gardez un œil sur vous,
un œil qui doit vous trouver beaux !
Faites de manière impeccable ce que vous pouvez faire,
Et ça vous le pouvez ! …
Et, je vous le dis, sacrés morpions : la mort n’aime pas ces manières-là ! …
In, « Biblique des derniers gestes »