Sophie de Meeûs
Anne Gastinel au violoncelle
Je n'ai jamais dit à personne
la profondeur du vernis les mille échos
le chatoiement de la garance épousant la gomme-gutte
le santal creuset d'or et de feu embrasant l'érable flammé pailleté
ces contours
épaules doucement tombantes
courbes tendres sous la paume
une taille retenue
discrète intériorité
soudain des hanches généreuses se déploient
elles couvent la musique du monde
je n'ai jamais pu dire
le ventre d'épicéa aux veines de satin
tissant sève résine
tendresse rigueur
alliance des rythmes
croissance retenue du bois d'hiver
puis celle débridée folle de vie
de la première saison de l'année
peau satinée dont le luthier
d'une main intuitive
a frôlé le point de rupture
pour la plus grande vibrance du corps
qu'elle enserre
ventre colline aux flancs couleur de blés
ma main le frôle caresse glisse
s'arrête au creux d'un creux
repart
ventre caverne
abri des souffles murmures
clameurs coeur de gestation
ventre dôme
cathédrale de planches amadouées
de l'ondoiement de cette peau de bois sonore
incisée de deux ouïes
percées vers l'altérité
éclôt un jour le son de l'édifice
balbutiement puis timbre clair
chaud
de l'instrument ondulant de bas en haut
de la terre au ciel
se faufile jusqu'à exploser
le chant des origines
ai-je jamais dit
un violoncelle né de mains de femme